WACKEN OPEN AIR FESTIVAL 2004
15 ANS DE METAL !

5, 6 et 7 Août 2004

Une fois de plus, la saison estivale 2004 aura été riche en festivals Metal, transformant l’Europe en terre promise pour des dizaines de milliers de métalleux : Dynamo, Grasspop, Arrow, Bang your Head, Gods of Metal, Sweden Rock, et …le fameux Wacken Open Air, qui cette année fêtait ses quinze ans avec encore une fois, une affiche d’enfer.
En effet, ce sont pas moins de 65 groupes qui vont se succéder sur les trois jours du festival, sur les quatre scènes du site, devant 40 000 métalleux venus de tous les coins du monde en pèlerinage dans le paisible village de Wacken, au nord de la campagne allemande.
Jugez plutôt : Saxon, Motörhead, Dio, Doro, Children of Bodom, Cannibal Corpse, Cathedral, Anthrax, Death Angel, Unleashed, Hypocrisy, Helloween, pour ne citer que les plus célèbres.
Mon périple commence le mardi 3 août, en gare de Montpellier. En 2003, j’avais choisi l’avion, pas trop cher, assez rapide (15 h montre en main tout compris), mais vraiment galère (2 avions, 2 trains, une navette et un bus pour rejoindre le festival, le tout avec un sac à dos plein à craquer). Cette année, j’ai pris l’option du train pour Paris, et du trajet en voiture avec des potes depuis la capitale : moins cher, plus long (plus de 24 h tout compris), mais beaucoup plus sympa de voyager à plusieurs.
Nous arrivons à Wacken le mercredi, soit la veille du début des hostilités. Le village est déjà envahi par des hordes de métalleux dont l’activité principale est de s’approvisionner en bières et alcools divers afin de tenir le choc des trois prochains jours.
Le camping, immense, commence à être bien rempli, et l’état de certains campements indique que certains fans sont arrivés depuis plusieurs jours : des ordures diverses jonchent le sol, des cadavres de bouteilles s’empilent, constituant par endroits, de véritables œuvres d’art, comme cette immense croix renversée de plus de 2 mètres, composée de cannettes compressées que des trashers allemands ont dressée fièrement devant leurs tentes.
Des potes arrivés depuis le dimanche nous ont réservé un emplacement et les retrouvailles chaleureuses se font autour d’une bonne bière, puis deux, puis trois, … jusqu’à tard dans la nuit. Il faut bien avouer qu’à part picoler, il n’y a pas grand chose à faire en attendant le grand jour ; surtout qu’à Wacken, quand il fait chaud, il fait très chaud, comme le prouve la belle couleur de nos amis scandinaves peu habitués à être exposés au soleil, et qui prennent vite des allures de jolis petits cochons roses pas très frais ! Terrible !
Jeudi 5 août.
Le premier jour du festival est en fait, une mise en route, puisque trois groupes seulement vont se succéder sur la True Metal Stage. Le site du festival n’ouvrant qu’à 16 heures, j’occupe ma journée en récupérant mon backstage pass au bureau des accréditations (Un grand merci à Phil, de Leprozy.com, pour son aide précieuse dans l’obtention du pass), en faisant un tour au Metal Market, véritable temple sous chapiteau pour les collectionneurs de tous poils, et en éclusant des bières avec des potes.
Le site ouvre enfin ses portes. Mon pass me permet de passer directement par le carré VIP, où je comprends tout l’intérêt de mon précieux sésame : outre le fait qu’on y croise de nombreux artistes, on peut également mater tranquillement des groupies et autres attachées de presse à très fortes compétences ( !) en sirotant une bière, accoudé au comptoir, à l’ombre, ou s ‘étaler dans l’herbe fraîche pour se reposer une heure, ce qui est impossible au milieu de la foule. Le site est en effet installé dans des champs immenses, où l’herbe verte laisse très vite la place à de la paille sèche et de la poussière à force d’être piétinée. Quant à l’ombre, il n’y en a pas. Bref, quand il fait soleil, tu grilles, et quand il pleut, tu es dans la boue !
Après avoir jeter un œil à la conférence de presse donnée par les trois musicos de Motörhead, au cours de laquelle les questions les plus navrantes seront posées à Lemmy qui se console avec une bouteille de Jack Daniels, je me rends devant la True Metal Stage. Il est 18 heures quand Zodiac Mindwarp ouvre les hostilités. Le pauvre Zodiac a bien du mérite, en assurant ce set après avoir été hospitalisé quelques jours plus tôt pour un anévrisme au cerveau (oui, oui, il a un cerveau !!). Pour avoir découvert ce groupe en 1988 lors de la sortie du tonitruant  » Tatooed Beat Messiah « , je m’attendais à ce que le groupe casse tout sur scène. Malheureusement, le biker déjanté a désormais laissé la place à un Papi Zodiac bouffi, le regard dans le vague, et il paraît bien seul et un peu perdu au milieu de cette immense scène, face à 40 000 métalleux. Seul son guitariste tentera pendant tout le set de raviver la flamme, tandis que le batteur, avec son look à la Pet chop boys et son tee shirt de Titi ( !) coupé au raz du nombril, et le bassiste, très effacé, font un peu tâche. Dommage, car des titres comme  » Prime Mover  » ou le  » Feed my frankestein  » qui figure sur l’album  » Hoodlun Thunder  » sorti en 1991 et que Zodiac avait offert à Alice Cooper pour son album  » Hey Stoopid « , doivent encore cartonner, quand ils sont joués dans des petits clubs.
19h30, une immense clameur se fait entendre. Mickey Dee s’installe derrière ses fûts, Phil Campbell et Lemmy apparaissent à leur tour, Motörhead prend possession de la scène pour une heure et quart de pur rock’n roll. Le son est très bon pour un festival en plein air, et les premiers rangs sont déchaînés. Des nuages de poussière s’élèvent, témoignant de l’intensité des pogos, tandis que les slammers surfent de partout sur la foule.  » We are Motörhead « , « No class », « Civil war », « God saves the Queen », « Metropolis », « Doctor rock » s’enchaînent, et la set list prend des tournures de best-of idéal. Après un solo de batterie prouvant encore une fois que Mickey Dee est bien le batteur idéal pour Motörhead, Lemmy nous envoie en guise de final,  » Going to Brazil « , un  » Killed by Death  » qui déclenche des crises d’hystérie dans la foule,  » Ace of spades  » et enfin un  » Overkill  » tonitruant.
N’en déplaise à Lemmy, qui clame haut et fort qu’il fait du rock’n roll, son public est avant tout composé de métalleux, entièrement voués à sa cause. Vivement la prochaine tournée, et la promo du nouvel album, l’excellent  » Inferno « , dont les titres vont à coup sûr s’intégrer parfaitement aux hits du trio.
Le dernier groupe à l’affiche de la soirée est Böhse Onkelz, combo allemand ultra populaire dans son pays et quasiment inconnu ailleurs, qui va, pendant 2 heures et demi ( !) ravir les très nombreux fans allemands avec son hard punk alternatif, tandis que j’en profite pour rejoindre mes potes au camping autour de quelques bières, en attendant la journée du lendemain, qui s’annonce très très longue.
Vendredi 6 août.
Dès 11 heures, les hostilités sont lancées, avec Orphanage qui inaugure la Black stage, et les danois de Mnemic sur la Party stage. Ces derniers se donnent à fond et confirment tout le bien que la presse peut écrire sur eux, même si leur néo trash aux accents Fear Factoresques a du mal à me réveiller, après la courte nuit que je viens de passer. Pendant que Paragon et son heavy metal puissant prennent la suite sur la True Metal Stage une demi heure après, je file au bar, en attendant Cathedral. Le groupe de Lee Dorrian envoie ses premiers riffs à 12 heures 30, sous un soleil de plomb. Même si le contexte n’est pas le meilleur pour apprécier le doom ultra plombé des anglais, plus approprié aux clubs, force est de constater que le groupe compte de nombreux fans et va les satisfaire par un set passant en revue sa grande discographie, avec une mention spéciale à  » Ice cold man « , repris en cœur par un public tout acquis à sa cause.
Passons vite sur Weinhold, le groupe de l’ex-chanteuse de Zed Yago dont le timbre de voix ferait passer Udo Dirkschneider pour un bariton, et direction la Wet Stage, seule scène couverte du festival, qui accueille les français d’Artefact, gagnants du concours organisé par le magazine Metallian, partenaire du Wacken. Le chapiteau est très bien rempli et le public enfin réveillé (il est 14 heures), apprécie la prestation de nos compatriotes.
A l’extérieur, une clameur monte depuis la Black Metal Stage. Je presse le pas pour assister au démarrage du set d’Arch Enemy. La veille, les commentaires allaient bon train avec mes potes sur la vraie valeur de ce groupe, dont certains pensent encore qu’il doit une partie de son succès à l’intégration dans ses rangs de la chanteuse allemande Angela Gossow. Toutes ces spéculations vont être balayées dès les premières mesures du set. Le groupe est ultra carré et les morceaux, piochés pour l’essentiel dans les albums  » Wages of sin  » et  » Anthems of rebellion  » font un carton. Quant à Angela Gossow, sa présence s’est affirmée sur toutes les scènes du monde ces derniers temps, et elle assure le spectacle, par sa beauté et surtout sa voix, qui me rappelle le show donné l’an passé par Sabina Classen et Holy moses sur cette même Black Stage.
Brainstorm prend la suite sur la True metal stage, et me permet de me faire une très bonne impression de son heavy metal  » canal historique « , considéré par beaucoup comme le meilleur dans sa catégorie.
Il est déjà 16 h 45 quand des fumigènes se répandent sur la Black stage, au milieu de ferrailles diverses et de têtes de porc écorchées empalées sur des pieux. Le décor est planté, Mayhem est dans la place. Le groupe débarque et nous envoie son true black metal en pleine gueule. Premier constat, le son est pourri et si on voit bien Maniac, on n’entend pas sa voix. Il faudra bien 4 ou 5 titres pour que les choses s’améliorent, pendant que le chanteur fait son show. Et quel show ! Pathétique pour certains, dément pour d’autres, il se saisit d’une tête de cochon tout juste grillée par un effet pyrotechnique, et encore fumante, la balance dans les premiers rangs qui s’y jettent dessus, avant d’en saisir une autre avec une sorte de long couteau à trois lames et de finalement s’entailler profondément la main droite, ce qui le conduira directement à l’hôpital à la fin du set !
Coté musique, le son vraiment moyen laisse une impression de léger bordel pour les non initiés au répertoire du combo norvégien, tandis que les fans sont comblés par les titres issus du récent  » Chimera « , et du controversé  » Grand declaration of War « . Un constat s’impose : depuis qu’Immortal a jeté l’éponge en 2003, et avec la mort récente de Quorthorn, nombre de formations et notamment Mayhem, revendiquent le leadership du  » true black metal  » et se font forts d’entretenir la flamme de ce style musical. A chacun de se faire son opinion sur les qualités et la sincérité de chacun de ces groupes, mais on peut dire qu’en cette journée, Mayhem a marqué des points.
Pas le temps de respirer que Grave Digger prend la True metal stage d’assault. Bardés de cuir et enchaînant les poses et les gimmicks, les allemands nous balancent leur heavy surpuissant et définitivement ancré dans les années 80. En effet, pas la peine de chercher le moindre signe d’évolution, le metal distillé par les teutons est totalement imperméable à toute influence extérieure. C’est du pur et dur, et le public (surtout les allemands) apprécie.
Il est 19 h00 quand je m’octroie une pose bien méritée. Tandis que Feinstein (le neveu de R.J.DIO) et les Rods se partagent la Black metal stage, et les revenants de Satan la Party stage, je me replie vers le bar et les multiples stands de bouffe afin de recharger les batteries. La journée est en effet loin d’être terminée.
19 h 30. Tandis que Timmo Kotipelto présente son nouveau projet solo aux fans de Stratovarius, très désappointés par les évènements qu’à connu le groupe ces derniers mois, et recueille de très nombreux suffrages, le public se presse devant la True Metal Stage, qui s’apprête à accueillir un des plus grands maîtres du Metal, Ronnie James DIO. Que dire de ce show sinon qu’il fut superbe. Entouré de Rudy Sarzo à la basse, de l’inamovible Simon Wright à la batterie, et de Craig Goldie qui a tiré la gueule pendant tout le set à la guitare, Ronnie a apporté une nouvelle fois la preuve que le poids des ans n’a que peu de prise sur lui. Démarrant une tournée européenne de promotion de son nouvel et brillant album  » Master of the Moon « , le chanteur nous a offert ce soir une démonstration magistrale de son talent. Composé de ses titres les plus emblématiques, avec entre autres  » Rainbow in the dark « ,  » The man on the silver mountain « ,  » Rock’n roll children « ,  » The gates of Babylon « , et un final de folie sur  » We rock « , Dio, le père spirituel du Metal, a offert aux milliers de fans présents toute sa foi dans cette musique qui nous fait tous pêter la tête ! Incontestablement un des plus grands moments de tout le festival.
A peine son concert terminé, quelle ne fut pas la surprise de Ronnie (et la nôtre également), de voir débarquer sur scène les promoteurs du Wacken, accompagnés de Joey DeMaio. Le secret semblait avoir été bien gardé, et devant un parterre de 40 000 métalleux et après un discours élogieux à l’attention du Maître, Joey lui remis au nom de tous un superbe bouclier de métal monté sur un immense cadre en bois, en l’honneur de son talent. Assurément un grand moment, comme le prouvait le regard très ému de Ronnie, qui a bien heureusement masqué l’attitude légèrement démago du bassiste de Manowar !
Vous pensez que la journée est terminée ? C’est mal connaître le programme du Wacken ! Encore plus de trois bonnes heures de Metal en perspective avant d’aller écluser des bières avec vos voisins au camping ! Je me rends devant la Black metal stage où un backdrop géant annonçant l’arrivée imminente de Destruction vient d’être hissé.
Pas besoin de vous faire un dessin, le groupe de thrash, fort de son excellent dernier album en date  » Metal discharge « , joue ce soir à domicile et c’est une foule très compacte et remontée à bloc qui accueille Schmier, Mike et Marc Reign au milieu des lights et de fumigènes. La prestation du trio est surpuissante, comme d’habitude. Je gardais en mémoire leur concert mémorable au Mazdapalace de Milan lors du Gods of Metal festival 2003, mais ce soir, le groupe va se surpasser pour sa troisième participation au Wacken, après celle de 1999 qui marquait son grand retour, et celle de 2002, marquée par des problèmes de sono à répétition dus aux intempéries.
Ce soir, c’est un sans faute. Bénéficiant d’un son d’enfer, d’un public de fidèles parmi les fidèles et d’une place de choix sur l’affiche, le charismatique Schmier et ses potes vont nous offrir une prestation énorme, conclue par une jam mémorable avec Peter Tatgren (d’Hypocrisy), Abbath (de feu Immortal) et Sabina Classen (d’Holy Moses). La folie pure dans le public et carton plein pour Destruction !
Juste le temps de reprendre mes esprits, que la suite se prépare déjà sur la True Metal Stage voisine, où un rideau noir a été tendu afin de ne rien dévoiler de se qui se prépare derrière. Il est presque minuit quand une mélodie bien connue, l’intro de  » Fear of the Dark  » jouée par des instruments à cordes, enveloppe soudain le Wacken. Le rideau tombe en un souffle, et laisse apparaître un orchestre classique au grand complet, surplombé d’un batteur, d’un bassiste et d’un guitariste, tandis que sortent de chaque coté de la scène, Blaze et Doro, pour une version inédite du classique d’Iron Maiden.
Le fameux concert de  » Doro, orchestra and guests  » annoncé sur le programme est lancé.  » I wanna rock  » et  » A touch of evil  » sont envoyés coup sur coup par la belle, avant que Blaze ne reviennent pour un  » The trooper  » totalement réorchestré suivi d’un tout aussi étonnant  » Man on the edge « , puis d’un  » Für Immer  » sur lequel Doro fait étalage de tout son talent. Après avoir accueilli à ses cotés un nouvel invité prestigieux, en la personne de Chris Caffery de Savatage pour une nouvelle ballade, c’est au tour du  » Breaking the law  » du Priest, se subir le traitement symphonique, puis  » Always live to win « , afin un final d’enfer avec le grand classique de Warlock  » All we are  » , repris en chœur par l’ensemble du public. Que dire de plus sur ce show, si ce n’est qu’il fallait un sacré cran pour tenter un truc pareil devant 40 000 métalleux, et ce même si Doro possède de sacrés atouts qui ont méchamment tendance à vous faire oublier qu’elle est avant tout une grande artiste !
Et les surprises ne sont terminées pour la soirée. En effet, dès le concert terminé, les roadies s’affairent sur la scène pour réinstaller amplis et drumkit au plus vite. Quinze minutes plus tard, les lights s’éteignent à nouveau, un backdrop géant est hissé derrière la batterie, et l’intro de  » Out of control  » se reprend progressivement. Warlock, avec son line-up de 1986 est sur scène, emmené par Doro, toute sourire de remonter sur scène avec ses anciens comparses, presque quinze ans après leur séparation.  » Fight for rock « , « Midnight in China », « Evil », « Burning the witches » sont enchaînés sans temps mort et repris par tout le public, puis « Stay hard » avant un final d’enfer sur un  » Hellbound  » envoyé plein pot.
Warlock’86 version 2004 : une grosse claque dans ta gueule !! Et dire que ce groupe était en son temps, décrié par toute la presse, qui n’avait de cesse de les démonter, en ne retenant (à juste titre, d’ailleurs ?!) que le charisme et la voix de Doro comme seul point positif ! Force est de constater que le pari était loin d’être gagné, mais que Doro a su remporter la mise haut la main pour la seconde fois de la soirée. Enorme ! Un grand soir et un excellent souvenir !
La suite : Amon Amarth enchaîne sur la Black stage avec son Metal viking, tandis que les Quireboys emmenés par un Spike à la voix toujours aussi écorchée sur la Party stage nous envoient leur rock’n roll déglingué en guise de prélude à une nuit arrosée à grands coups de Jack Daniel ‘s. Il est 3 heures du mat’ quand les derniers riffs se font entendre sur Wacken, laissant la place jusqu’au petit matin, aux râles, rôts et autres éructations plus ou moins maîtrisés de métalleux déchirés dans le camping !
Samedi 7 août.
Les nuits se suivent et se ressemblent à Wacken. Il est 7 heures, le soleil est déjà haut dans le ciel, et ça braille dans tous les coins sur le camping. Je décline le bloody mary tiède  » fait maison  » (vodka premier prix – coulis de tomate en brick – ketchup au soleil depuis trois jours) que me propose un de potes pour lui préférer un café style  » jus de chaussettes de thrasher  » sur un stand, tandis qu’au retour au campement, je constate les dégâts de la nuit : les fossés qui sont si prisés par les trachers, pour pisser, vomir, balancer des détritus divers et variés et tout le reste, hébergent au petit matin, des métalleux trop déchirés pour regagner leur tente, et qui trouvent là un certain réconfort !
Après la classique petite mission du matin, à savoir trouver un chiotte chimique encore assez propre (il n’y a que les fans de J.J.Allin ou de GWAR pour les utiliser après 10 heures !), un rapide briefing est organisé avec les potes autour du programme de la journée. Et quelle journée !
Ça démarre fort dès midi, avec Bal-Sagoth sur la Black stage, alors que le site se remplit à un bon rythme. Ça bouchonne déjà sous le portique d’entrée malgré l’heure, et pour cause. Personne ne veut louper le groupe qui fait depuis deux ans, un retour d’enfer : Death Angel. Il est 12 h 30 quand les premiers accords de  » Seemingly endless time  » accompagnent les thrashers de San Francisco. L’accueil est triomphal, et l’enthousiasme des cinq musiciens est vite communiquée aux premiers rangs. Devant la scène, le public saute dans tous les sens, et le groupe nous envoie  » Thrown to the wolves « , tiré du génial  » The art of dying « , qui a marqué cette année, le come-back réussi de Death Angel.
Dennis Pepa et le charismatique Marc Osegueda, littéralement survoltés, parcourent la scène dans tous les sens, arranguent la foule,  » Man without anguish « , puis  » Thicker than blood  » et  » The devil incarnate  » sont enchaînés sans temps mort, la communion est totale avec le public, et ça repart avec  » Famine  » que les 45 minutes accordées par le programme ne soient conclues par un magistral  » Kill as one « . Enorme !
Cruel dilemme pour la suite. Les prometteurs Ektomorf sont attendus sur la Party stage, tandis que les suédois d’Unleashed, programmés en lieu et place de Deicide dont la tournée européenne a été écourtée par le groupe pour des motifs pas très clairs (dont une sombre histoire de cachets de valium !?), investissent la Black Stage. Un constat s’impose : une fois la déception passée, les fans de Glen Benton ont eu la bonne surprise du jour avec Unleashed, dont le death metal pur et dur a ravi le public. Forts d’un nouvel album,  » Sworn allegiance  » qui vous nettoie les conduits auditifs en profondeur, les suédois semblent enfin avoir trouvé le bon chemin pour prendre la place qu’ils méritent, en tête d’un style qu’ils ont contribué à créer. Point d’orgue du set, la reprise du  » Evil dead « , paru sur le mythique  » Scream bloody gore  » de Death, et dédié à deux grands disparus, Schuck Chuldiner et Quorthorn.
Pas le temps de me remettre de mes émotions. A peine le set d’Unleashed achevé, j’ai cinq minutes pour prendre une bière et m’installer devant la True Metal Stage. J’ai le grand frisson quand le riff de  » N.F.L.  » fait trembler la sono. Anthrax est dans la place. Scott Ian apparaît sous les ovations du public, puis Rob Caggiano, Charlie Benante, et enfin les deux ex-Armored Saint, John Bush et Joey vera. Comment décrire le set des new yorkais, sinon qu’il fut sans conteste un des meilleurs de ces trois jours. Un groupe hyper carré qui s ‘éclate sur scène, un public composé de fans de la première heure, une set list de folie, le tout servi par une sono impeccable, tout est réuni pour une heure de pur plaisir. Voyez plutôt le menu du jour :  » N.F.L. « ,  » Got the time « ,  » Caught in a mosh « ,  » Safe home « ,  » Antisocial « ,  » Room for one more « , « What doesn’t die », « Indians », « Deathrider », « Be all end all », et « Only ».
Qui a osé dire qu’Anthrax était mort ? Même si le groupe ne remplit plus le Zénith de Paris comme il le faisait en 1989, même si les ventes d’albums ne sont plus ce qu’elles ont été dans le passé, force est de constater que la passion et l’enthousiasme sont toujours présents et qu’Anthrax sur scène ne craint personne. A l’image du set dévastateur que le groupe a donné au Trabendo à Paris, en juin dernier, le concert du Wacken fut une tuerie, un concentré d’énergie qui en ce début d’après midi aura remis les pendules de certains détracteurs à l’heure. Moshhhhhhhh !!!
Le programme de la journée est toujours aussi soutenu, et après la tornade Anthrax, voici le rouleau compresseur Cannibal Corpse qui se présente sur la Black Stage. Comme les new yorkais une heure plus tôt, les floridiens sont accueillis en véritables stars par le public. Le pilonnage va durer une heure, sans interruption. C’est du grand Cannibal Corpse auquel nous avons droit aujourd’hui. Parmi les grand moments du set, citons  » Fucked with a knife  » dédié comme il se doit, à toutes les filles présentes dans le public, le groovy  » Decency defied « , ou encore  » They deserve to die « , dédié aux censeurs allemands. A noter que durant tout le set, une clameur persistante s’est faite entendre dans le public, qui n’a eu de cesse de réclamer le titre  » Hammered smashed face « , face à un George Fisher à la fois navré de la censure qui s’est abattue sur les trois premiers albums du groupe en Allemagne, et heureux de constater l’échec de l’entreprise, vu que tout le public possède ces titres et les connaît par cœur. Aucun des morceaux de ces trois productions ne sera joué ce soir, mais la prestation n’en perdra pas pour autant en intensité, tant le groupe dispose de titres en béton :  » Gallery of suicide « , « Pit of zombies », « The wretched spawn », sont ainsi envoyés, avant  » Devoured by vermine  » en guise de final, dans une ambiance d’apocalypse dans les premiers rangs ! Encore une grosse baffe dans la gueule !
Petite pose de quinze minutes au bar avant que Nevermore ne monte sur scène. Il est 17 heures quand le groupe investit la True Metal Stage sur laquelle a été dressé un backdrop représentant l’artwork de l’album  » Enemies of reality « . Le soleil, moins intense que dans l’après midi, permet au light-show une certaine efficacité. Le groupe de Seattle est très populaire en Allemagne, et son heavy metal fait mouche. Warrel Dane, très en voix, donne tout ce qu’il a et emmène le public dans l’univers torturé de la musique de Nevermore. Encore une démonstration que les groupes présents à l’affiche ne viennent pas à Wacken pour plaisanter, et que ce festival constitue bien une date majeure dans leurs plannings de tournée.
La suite des évènements se déroule sur la Black Metal Stage, où Hypocrisy apparaît sous les ovations du public. Peter Tatgren est accueilli en superstar, et le death mélodique distillé par le combo va faire un malheur. A retenir notamment, les interprétations d’enfer de  » Eraser « ,  » Turn the page « , Roswell 47  » rebaptisé pour l’occasion  » Wacken 47 « , et le fabuleux  » Born dead buried alive  » en guise de final. Carton plein pour Tatgren et ses potes !
Arrive enfin le cas Helloween. C’est vrai que le groupe est une référence en matière de heavy mélodique, que ces mecs ont posé les bases d’un style qui a depuis influencé des tas de groupes en Allemagne et ailleurs, qu’un album comme  » Keeper of the seven keys part 1  » a fait un carton lors de sa sortie et qu’ Helloween était désigné par tous comme le dauphin d’Iron Maiden … oui mais depuis, Kai Hansen est parti et a emporté avec lui, son talent de compositeur, Michael Kiske s’est lui aussi fait la belle en emmenant du même coup,  » La  » voix d’Helloween, et le groupe n’en finit plus de survivre grâce à son glorieux passé. Désolé pour les fans, mais une fois de plus, la formation de Hambourg ne m’a pas convaincu, loin s’en faut. Entre l’incapacité d’un Deris à atteindre les notes les plus aigües, et l’attitude nonchalante voire légèrement  » je m’en foutiste  » d’un Michael Weitagh qui fume clôpe sur clôpe et enchaîne les pains sur sa six cordes, rien ne m’a vraiment aidé à apprécier les titres les plus récents du combo et seule l’arrivée sur scène de Kai Hansen pour une jam sur les deux titres phares que sont  » How many tears  » et  » Future world  » et va faire décoller le truc ! Bien entendu, ce jugement ne concerne que moi, même si les différents bars du festival étaient très bien remplis durant tout le show.
En fait, la claque de ce début de soirée allait être donnée sur la Black Stage, par Children of Bodom. Ultra carrés, comme à leur habitude, et pourvus d’un sacré bagage technique, les finlandais, emmenés par un Alexi Laiho survolté, vont enchaîner pendant une heure, les meilleurs titres de leur répertoire heavy black symphonique avec une précision exemplaire et sans faux pas. Quant au public, il est présent en masse et réagit au quart de tour à chaque sollicitation d’Alexi, véritable frontman qui assure le spectacle en même temps que des vocaux surpuissants et des rythmiques et solos de gratte totalement hallucinants. Si ce groupe maintient une telle énergie dans le futur, les plus grandes perspectives lui sont assurément promises. Géant !
22 h 00. Les roadies qui se sont affairés pendant tout le set des C.O.B. sur la scène voisine ont maintenant libéré les lieux. Le site est plein à craquer, et 40 000 métalleux ont les yeux rivés sur la True Metal Stage. Soudain, après une brève intro, les accords de  » Heavy Metal Thunder  » retentissent tandis que Biff Byford et sa bande déboule plein pot sur scène, enchaînant immédiatement avec  » Dogs of war « , puis  » Backs to the wall « . Biff annonce la couleur : le Wacken a 15 ans cette année, et Saxon fête son 25ème anniversaire en cet été 2004, donnant au concert de ce soir une connotation particulière. Le grand chanteur est remonté à bloc et le public le suit comme un seul homme. C’est de la folie dans les premiers rangs, le groupe nous balance ses meilleurs titres avec une énergie et une décontraction que nombre de jeunes groupes devraient prendre en exemple. A l’image de Twisted Sister l’an passé, Saxon nous délivre un set au cours duquel le mot  » rock  » prend tout son sens.  » Solid Ball of rock « , « 20 000 feet », « Travellers in time », « Dragon’s lair », « The eagle has landed », Saxon puise ce soir dans sa discographie, ses titres les plus emblématiques en les mêlant à des extraits de ses plus récentes réalisations, moins connus mais tout aussi concluants lorsqu’ils sont joués live. Après Motörhead et Dio, Saxon prouve ce week-end que les anciens sont toujours là pour nous botter le cul et donner une grande leçon de rock’n roll.Il n’y avait qu’à voir la folie qui s’est emparée du public lors de  » Motorcycle man « , pour saisir tout le potentiel qui habite encore ce groupe.
Premier invité de la soirée, Thomas Jensen, un des promoteurs du Wacken Open Air et grand ami de Biff (et également membre du management de Saxon), saisit la basse sur  » Strong arm of the law  » sous les ovations d’un public reconnaissant le fantastique travail réalisé par l’organisation du festival durant ces trois jours.
La suite est tout aussi magique.  » Princess of the night « , « 747 » sur lequel un nouvel invité entre en scène, Nigel Glockler, ancien batteur du groupe, « And the band played on », le fabuleux « Crusader » repris en choeur par 40 000 fans conquis, suivi de « Wheels of steel », « Denim and leather », le tout sous l’oeil bienveillant du dernier invité de la soirée, l’aigle de metal qui a fait son apparition derrière le drum-kit de Jorg Michael, et qui encadre maintenant la scène en brillant de mille feux.
Le groupe fait enfin ses adieux sur un  » Dallas 1PM  » envoûtant , laissant à tous les fans présents, un souvenir impérissable de cette superbe soirée.
Tandis que le site se vide d’une partie de ses visiteurs, pressés pour certains de reprendre la route avant les inévitables bouchons du lendemain, un autre événement se prépare sur la Black Stage qui a mobilisé tout le petit monde du black metal ses dernières semaines : la programmation d’un concert de Satyricon, couplé pour l’occasion, avec la montée sur scène pour quatre titres, de Nocturno Culto, un des deux protagonistes de Darkthrone, un des groupes fondateurs du black metal, et dont les prestations scéniques se comptent sur les doigts d’une main.
Ambiance garantie sur scène, même si l’heure tardive et la fatigue extrême accumulée depuis trois jours a fait renoncer plus d’un métalleux et ne me permet pas d’apprécier le set à sa juste valeur.
Alors que je rentre au camping sur les rotules, je dois constater avec une certaine philosophie, qu’au Wacken, on ne dort pas. En effet, à peine arrivé au campement avec mes potes, nous voilà tous embarqués par nos voisins allemands totalement déchirés, au concert de clôture donné par J.B.O. un groupe satyrique frappadingue sur la True Metal Stage qui finit par nous achever !
Le dimanche matin, toute la pression retombe, le camping se vite progressivement, laissant la place à une vision d’apocalypse. Les champs sont recouverts de déchets, c’est une véritable décharge à ciel ouvert qui s’étant devant nous. Mais déjà les habitants du coin débarquent pour leur sortie du dimanche, armés de caddies, carrioles, remorques, ou de simples sacs afin de récupérer parmi tous ces déchets : tentes abandonnées, matériel de camping, boîtes de conserve, objets divers, et surtout les canettes en verre consignées (à 25 centimes d’euros la consigne, la sortie est très vite rentable !), aidant ainsi au nettoyage des lieux, qui prendra tout de même un bon mois !
Au loin les structures métalliques des scènes sont déjà en cours de démontage, la journée est rythmée par le balai des véhicules se pompiers intervenant aux quatre coins du camping pour éteindre des feux de tentes ou d’ordures allumés par des métalleux sur le départ.
Image surréaliste, quelques irréductibles bourrins armés de barres de fer ou de bâtons jouent les guerriers de l’apocalypse en massacrant les dernières structures de tentes et bâches encore debouts, au milieu d’un champs de désolation !
Le retour en France est pénible, la route paraît interminable après ces quelques jours sur une autre planète ! Rendez vous est pris pour l’année prochaine, au Wacken 2005 ! Toujours plus dur, toujours plus fort !
YvesZ.